Ce que l’on apprend de Naomi Osaka dans le documentaire de Netflix

Ce que l’on apprend de Naomi Osaka dans le documentaire de Netflix

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Par Lucie Bacon

Publié le

Une série nécessaire pour comprendre à quel point le haut niveau peut ronger les athlètes.

Depuis quelques jours, les amateurs de sport (et les autres) auront peut-être remarqué cette nouvelle mini-série apparue sur Netflix, Naomi Osaka. Après son retrait de Roland-Garros il y a quelques semaines, et pour mieux comprendre ce qui peut se passer dans la tête d’une championne, on vous invite vraiment à dévorer ces trois épisodes créés par la réalisatrice Garrett Bradley, dans l’intimité la plus totale de celle qui était alors numéro une mondiale et qui se livre comme rarement un·e athlète l’a fait.

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Netflix nous a peut-être un peu trop habitué·e·s à des productions où les sportifs sont mis en avant, starisés, avec une narration autour d’un quotidien qui fait rêver. Naomi Osaka nous offre plus que ça. Aidée par une DA minimaliste et épurée, par une réalisation en retrait, où c’est la tenniswoman qui décide de ce qu’elle a à donner, la Japonaise nous permet de comprendre son année 2021 compliquée, et offre à la plateforme de streaming l’occasion de renouveler le genre du documentaire sportif. Parce que les champion(ne)s sont (très) loin d’être infaillibles, voici ce qu’il faut retenir de cette série-docu.

On peut être ambitieuse et douter de soi

Beaucoup ont découvert la fragilité (sans dénigrement dans l’usage de ce terme) de Naomi Osaka lors de sa forte prise de parole pendant Roland-Garros : alors qu’elle avait décidé de ne plus vouloir répondre en conférence de presse, expliquant que ce passage quasi obligé était un calvaire, un bad buzz énorme s’était abattu sur elle. La Japonaise avait alors préféré se retirer du tournoi, expliquant être en proie à de nombreux épisodes dépressifs depuis 2018 :

“Quiconque me connaît sait que je suis introvertie, et quiconque m’a vue pendant des tournois aura remarqué que je porte souvent un casque audio parce que ça m’aide à atténuer mon anxiété sociale. Je ne suis pas naturellement à l’aise pour parler en public et je ressens d’immenses vagues d’angoisse quand je dois m’adresser à la presse mondiale.”

Et dans la mini-série, cette fragilité, cette délicatesse et ces lourdes périodes de réflexion, voire de dépression, sont largement documentées. C’est ok de douter de soi, même si on gagne des matches. C’est ok de se remettre en question, même quand on est numéro un mondiale. C’est ok de ne pas vouloir se livrer, se confier, s’ouvrir, quand notre métier n’est qu’au départ une passion, à laquelle on préfère consacrer toute notre énergie. On comprend alors que la fragilité de Naomi Osaka pouvait être perceptible avant sa prise de parole de mai dernier par ceux qui suivent le tennis, mais il est toujours judicieux de rappeler que les champions ont leurs failles, et heureusement d’ailleurs.

Comment sa relation avec Kobe l’a fait grandir

Il était en quelque sorte devenu son mentor. Kobe Bryant l’a aidée à surpasser de cuisantes défaites, comme en Australie, tout début 2020, face à Coco Gauff. Quelques jours plus tard, il décédait dans un accident d’hélicoptère, avec sa fille. Un choc considérable pour Osaka, qui comptait sur sa voix, son parcours pour y voir plus clair dans le sien. Elle admirait Bryant et cette perte n’a fait que la fragiliser un peu plus, à court terme, avant que sa présence, quelque part malgré tout autour d’elle, ne la rende plus forte.

Une figure au-delà du tennis

Naomi Osaka incarne, dans son sport, une parole politique et engagée dans le mouvement Black Lives Matter, à l’instar de Lewis Hamilton en F1. Cette revendication pour une prise de conscience collective passe selon elle par les courts de tennis : elle avait ainsi porté les noms de victimes de violences policières sur ses masques, avant des matches à l’US Open l’an dernier. Forcément, cet engagement la met encore plus sous les feux des projecteurs, elle qui pourtant préférerait rester dans l’ombre. Cette ambivalence entre besoin viscéral de défendre les opprimés, en tant que métisse, et envie de parfois se faire la plus discrète possible est bien illustrée dans la série.

De la nécessaire bienveillance

Enfin, et ce constat est certainement plus personnel, Naomi Osaka permet aussi une introspection sur notre métier et le milieu du sport. Fait-on assez, nous médias et nous supporters, pour valoriser les sportifs, mais aussi pour les protéger ? À l’heure des réseaux sociaux, des buzz, des petites phrases qui font mouche, des campagnes marketing, quel rôle doit-on avoir dans ce processus de mise en avant des exploits sportifs ?

Naomi Osaka est aussi très intéressant dans la relation de l’athlète aux médias. Il est très difficile pour elle de mettre des mots sur ce qu’elle ressent, sur ce qu’elle vit, et sur tout simplement ce qu’elle fait pourtant de mieux : jouer au tennis. Nous médias, mais aussi nous en tant qu’amateur·rice·s de sport, on doit protéger les (jeunes) athlètes d’un milieu qui les ronge, les tord, les rend heureux et sur le toit du monde l’espace d’un instant puis qui les enfonce le reste de l’année.

À la fin du documentaire, on a très envie de prendre Naomi dans nos bras et de lui promettre qu’on a compris, qu’on fera tous très attention, que derrière ceux que l’on encourage, que l’on moque, que l’on suit, il y a (et on l’oublie souvent, peut-être) des humains, qui doutent, qui flanchent, et qui (et on l’oublie souvent) ont le droit de tout ça. Merci Naomi de nous avoir fait ouvrir les yeux sur ce que devrait être votre normalité. Continue de douter parce que c’est forcément aussi ce qui te rend beaucoup plus forte.