“Voiture dame blanche”, retour sur les origines de la vidéo qui a traumatisé Internet

“Voiture dame blanche”, retour sur les origines de la vidéo qui a traumatisé Internet

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Par Pierre Bazin

Publié le

Saleté de zombie.

Pour ce mois d’Halloween, la rédaction de Konbini vous prépare une série horrifique. Des creepypastas aux films d’horreur méconnus, en passant par des malédictions venues d’ailleurs, un article quotidien vous fera frissonner jusqu’au jour des morts.

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Fermez les yeux. Concentrez-vous et imaginez-vous quinze ans en arrière. Vous avez une dizaine d’années, voire moins, et un drôle d’oiseau qu’on appelle Internet commence à prendre de plus en plus de place dans votre vie.

Votre Windows XP familial a déjà de la bouteille, il a connu les gifs à paillettes envoyés pour Noël ainsi que les PowerPoint de mauvais goût transférés par votre oncle. Mais cette fois, il s’apprête à vivre son premier screamer.

Votre ami, grand frère, cousin ou toute autre personne que vous jugiez autrefois digne de confiance lance une vidéo pour vos yeux curieux. Tout se passe très bien, une voiture blanche avance paisiblement dans une campagne verdoyante, accompagnée d’une paisible musique. “Regarde bien la voiture, tu peux y voir un fantôme dedans si tu te concentres !” vous conseille votre (faux) ami.

La voiture disparaît derrière des buissons, et soudain… “BWAAH !” Un horrible zombie apparaît au-devant de l’écran, vidant votre corps de tout bonheur. Vous êtes mort de trouille, tétanisé, à deux doigts de l’arrêt cardiaque. De son côté, votre “ami” prankeur est hilare, tandis que vous considérez sérieusement à le bannir de votre vie à jamais.

En France, la vidéo a porté plusieurs noms : “Voiture qui fait peur”, “spooky car“, “voiture dame blanche”, etc. Retour sur les origines d’un trauma.

Le tout premier screamer d’Internet ?

La vidéo “Ghost Car” (titre original) a été publiée sur YouTube le 20 juillet 2005, cumulant aujourd’hui plus de 38 millions de vues. C’est une des plus vieilles vidéos virales de la plateforme, YouTube ayant été lancée en février de la même année, soit cinq mois auparavant. Historiquement, il est très probable que cette vidéo soit le tout premier screamer d’Internet.

Par sa nature inédite, la vidéo a rapidement été partagée, dupliquée. La chaîne mrsmithereen, qui a uploadé en premier cette vidéo, a été très rapidement copiée.

Ces vidéos dites bait-and-switch se transmettaient par le bouche-à-oreille, de Caramail en AOL. Dans la même famille, on peut aussi penser au “Scary Maze Game”, un jeu vidéo simpliste qui affichait, après le troisième niveau, une image effrayante accompagnée d’un cri strident.

(attention, screamer)

L’objectif était le plus souvent d’effrayer son interlocuteur mais également d’être en mesure de le filmer pour ensuite uploader la vidéo prise, dans laquelle il est traumatisé par ce zombie de mauvaise facture. Les premières vidéos “réaction” sont nées.

Des zombies américains, une pub d’outre-Rhin

Revenons à nos zonzons : d’où vient cette fameuse vidéo ? Un indice dans la description de la vidéo originale “Ghost Car” a permis aux internautes de mieux l’identifier : “Ghost in a car commercial” (ou “Pub d’un fantôme dans une voiture” dans la langue de Morsay).

En effet, cette vidéo fait partie d’une série de publicités pour les boissons caféinées de la marque allemande K-fee. Entre 2004 et 2005, neuf spots publicitaires d’environ neuf secondes ont été diffusés à la télévision allemande puis britannique pour promouvoir la boisson.

(attention, screamers)

Le concept est peu ou prou le même à chaque fois. Le spot commence par une scène de vie relaxante accompagnée d’une musique paisible : une partie de pêche, une séance de yoga, deux amants sur la plage, ou, bien sûr, une balade en voiture dans la campagne.

La quiétude est ensuite brisée par l’irruption soudaine d’un zombie (celui de “Ghost Car”) ou une gargouille qui hurlent. On apprendra d’ailleurs des années plus tard que le zombie et la gargouille étaient respectivement joués par les frères acteurs américains Brad et Adam Johnson.

Vient enfin la conclusion narrée par une voix susurrée : “Vous n’avez jamais été aussi réveillée” (en allemand : “So wach warst du noch nie”). La boisson caféinée, supposée vous réveiller au même niveau que le screamer, apparaît alors accompagnée d’un battement de cœur frénétique en fond sonore, comme pour faire écho à votre rythme cardiaque probablement tout aussi élevé.

Des versions alternatives moins choquantes

La marque K-fee a durablement marqué les esprits en Allemagne et à l’international. Elle a même reçu des prix professionnels récompensant les meilleures campagnes marketing. Depuis, la vidéo a également fait l’objet de petites enquêtes dédiées et autres documentaires amateurs, comme celui de la chaîne YouTube Wollstone Studios.

On y apprend, par exemple, que l’entreprise derrière K-fee recevait des lettres de plainte des téléspectateurs “piégés” par la publicité. Dans un registre un peu plus dangereux (pour les conducteurs), il y avait aussi eu des publicités du même genre à la radio, qui faisaient office de screamers audio.

Des messages de prévention avaient même été brièvement mis en place avant les spots pour éloigner les personnes sensibles du téléviseur. Enfin, vous ne le saviez sûrement pas, mais il existe des versions plus light de certaines de ces publicités, où les screamers sont remplacés par des choses beaucoup plus douces, comme un ourson en peluche ou un jeune homme efféminé à la voix douce :

(promis, zéro screamer)

Ces spots publicitaires étaient d’ailleurs dédiés à la nouvelle version “Lite” de la boisson de K-fee, qui était allégée en caféine. De notre côté, on espère avoir réparé quelques traumas dans l’histoire.

Une anecdote sur votre première frayeur sur Internet ? N’hésitez pas à nous en parler à : hellokonbinitechno@konbini.com