Une Française qui a perdu toutes ses économies à cause d’escrocs se faisant passer pour l’acteur américain Brad Pitt cherche à démasquer au moins trois hommes basés au Nigeria soupçonnés par son équipe juridique. Les escrocs ont fait croire à la victime, identifiée comme Anne, 53 ans, par la chaîne française TF1, qu’elle entretenait une relation amoureuse avec la star hollywoodienne de 61 ans, en utilisant des photos générées par l’intelligence artificielle.
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Cette affaire illustre la manière dont les escrocs nigérians, déjà bien connus pour leurs diverses escroqueries sur Internet, notamment “amoureuses”, se tournent vers les nouvelles technologies pour arnaquer leurs victimes. Anne a déclaré à TF1 qu’elle avait d’abord été ciblée sur Instagram par quelqu’un se faisant passer pour la mère de Brad Pitt après avoir partagé des photos d’elle en train de skier dans les montagnes françaises. Les escrocs ont prétendu que l’acteur avait un besoin urgent d’argent pour payer un traitement rénal, alléguant que ses comptes bancaires avaient été gelés en raison de la procédure de divorce en cours avec son ex-femme Angelina Jolie.
L’avocate d’Anne, Laurène Hanna, a déclaré que sa cliente avait ainsi perdu 830 000 euros (850 000 dollars). Anne et son avocate ont fait appel à Marwan Ouarab, le fondateur du site FindMyScammer, spécialisé dans les services d’enquête numérique, pour tenter de retrouver les escrocs, a déclaré l’avocate sur X/Twitter.
Selon le quotidien français Le Parisien, qui cite M. Ouarab, les escrocs, trois hommes d’une vingtaine d’années, se trouvent au Nigeria. L’agence anticorruption nigériane Economic and Financial Crimes Commission (EFCC) a déclaré qu’elle ne pourrait lancer une enquête que si une plainte lui était soumise. “C’est une plainte qui autorise l’EFCC à agir”, a déclaré à l’AFP son porte-parole, Dele Oyewale.
“Yahoo Boys”
Le pays le plus peuplé d’Afrique souffre d’une réputation de fraudeurs sur Internet, connus dans l’argot local sous le nom de “Yahoo Boys”. L’influence des fraudeurs sur Internet dans la culture populaire n’a cessé de croître depuis que la star de l’afrobeats Olu Maintain a sorti en 2007 “Yahooze”, une chanson faisant l’éloge de ces arnaqueurs virtuels.
Plusieurs chansons nigérianes faisant référence aux cyberfraudeurs, également connus localement sous le nom de “419”, en référence au Code pénal nigérian concernant la fraude, ont connu un grand succès.
En novembre 2022, un tribunal américain a condamné Ramon Abbas, un fraudeur nigérian autrefois populaire auprès des politiciens et des célébrités, à une peine de 135 mois de prison et à verser 1,73 million de dollars de dédommagement à deux victimes de fraude.
L’intelligence artificielle constitue “un nouvel outil pour un vieux crime”, a déclaré à l’AFP l’expert en cybercriminalité Timothy Avele. Le “recours à l’IA et au deepfake” va “effacer les énormes progrès réalisés et nous ramener plus de 20 ans en arrière” dans la lutte contre ces criminels, a-t-il ajouté.
En juillet dernier, Meta, la maison mère d’Instagram et de Facebook, a supprimé 63 000 comptes Instagram liés à des escroqueries à la sextorsion dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Dans les cas de sextorsion, de jeunes hommes ou adolescents sont persuadés d’envoyer des photos compromettantes à des fraudeurs se faisant passer pour des jeunes femmes qui les font ensuite chanter. Environ deux mois après la décision de Meta, deux frères nigérians, Samuel et Samson Ogoshi, 24 et 21 ans, ont été condamnés à 210 mois de prison chacun après avoir “exploité sexuellement et extorqué plus de 100 victimes”, dont 11 mineures.
“Syndicats étrangers”
Des “syndicats étrangers de la cybercriminalité” exploitent également les faiblesses du Nigeria en matière de systèmes de cybersécurité et trouvent que c’est un “endroit rentable pour installer leurs centres d’opération”, a expliqué M. Avele. M. Oyewale, de l’EFCC, a déclaré que l’agence était prête à “s’attaquer à tous les crimes émergents, y compris les crimes basés sur l’IA”.
Le mois dernier, l’EFCC a déclaré avoir arrêté 792 suspects au cours d’une seule opération dans le quartier aisé de Victoria Island, dans le centre commercial du Nigeria, Lagos. Au moins 192 des suspects étaient des ressortissants étrangers, dont 148 Chinois, a indiqué l’agence.
Le porte-parole de l’EFCC, M. Oyewale, a déclaré que les gangs étrangers recrutaient des complices nigérians pour rechercher des victimes en ligne par le biais de l’hameçonnage, en ciblant principalement des Américains, des Canadiens, des Mexicains et des Européens.