Si vous traînez sur Instagram, vous êtes sûrement familiers avec Constance Lasserre, ou @hungryconsti. Celle qui explore les adresses de Paris et d’ailleurs, et qui part régulièrement à la rencontre de chefs et de cuisiniers, est également connue pour son désormais célèbre marathon des galettes, en chaque début d’année. On est allés faire le bilan, avec elle, de cette nouvelle fournée 2025 de frangipanes en tout genre.
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Konbini | Comment l’idée de ce marathon est-elle née ?
Constance Lasserre | Le premier marathon des galettes est né en janvier 2021, lorsque, pour la blague, j’ai posté une vidéo de moi en train de déguster la crousti-galette du Ritz de François Perret. Je m’étais dit : tant qu’à payer 9 euros ma part, autant la rentabiliser…
Tu avais tourné ça comment ?
J’avais posé mon téléphone sur le parking au milieu de la Place Vendôme, et je m’étais filmée en train de la déguster et de donner mes impressions. J’avais monté une vidéo à la va-vite dans l’outils Réels d’Instagram qui venait d’être lancé. C’était mon tout premier montage vidéo et la prise en main était super simple. J’avais posté pour la blague, en me disant que probablement personne ne la verrait, et que ça n’intéressait personne. J’avais failli supprimer la vidéo dans la minute et puis finalement, quand j’y étais revenue, il y avait un vrai engouement, donc j’ai décidé de le faire “sérieusement” et renouvelé l’expérience avec 14 autres galettes, pour un total de 15 épisodes.
Et après ça, tu as continué ?
À l’époque c’était encore le Covid, les restaurants n’avaient pas ré-ouvert et franchement tout le monde était déprimé, il n’y avait pas grand chose à faire ni à manger et les galettes étaient un peu comme un phare dans la nuit de ce long mois de janvier confiné, donc elles cristallisaient l’attention de beaucoup de foodies – dont moi, dont l’objectif était de tester le maximum de galettes différentes avant la fin de la saison (et avant l’indigestion…!).
Et tu as continué après les confinements…
Depuis 2021, la vie a repris mais c’est devenu un rendez-vous annuel avec ma communauté, et cette année c’était la cinquième saison, marquant ma quatrième année en tant que créatrice de contenu food. D’autres créateurs ont commencé leur propre marathon des galettes, et l’engouement ne s’arrête pas ! Moi, j’ai voulu depuis la quatrième saison, l’année dernière, twister un peu mon format et ne pas le baser uniquement sur la dégustation et le fait de dire avec mes goûts personnels si je trouvais ça bon ou pas (et d’ailleurs ça n’engageait que moi), mais aller à la rencontre de ceux qui font les galettes, ou de ce qui les aiment, dans l’idée plutôt de présenter les galettes et de laisser le gens choisir ce qui leur faisait envie, en axant le contenu sur le partage, la convivialité et le savoir-faire, l’histoire, ou le bagage émotionnel derrière une galette. Comme mon compte a évolué et que j’ai maintenant accès aux “coulisses” de ce qu’il se passe en amont, je me suis dit que j’allais en profiter pour infiltrer ma communauté avec moi dans ce milieu qui me fait rêver depuis des années.
Cette année, tu as testé combien de galettes ?
Cette année, j’ai tourné et posté 16 épisodes. Et j’ai compté au total : j’ai goûté 34 galettes différentes. Je te laisse aller voir sur mon compte pour le line up complet. [elle sourit]. Il y a eu la galette Infiniment Citron de Pierre Hermé, la Boussole de Nina Métayer, La galette Vol au Vent du comptoir du Ritz, les galettes sans gluten et véganes de la ginguette d’Angele, les galettes de Maxime Frédéric dans sa nouvelle boulangerie Pleincœur, un battle de galettes véganes avec des amies créatrices de contenu food végan, un battle de galettes au pandan (une nouveauté de cette année !), une dégustation à l’aveugle mettant en face une galette Picard, une galette pâtissière par Cyril Lignac…
Et une galette de boulangerie franchisée ; la galette de Café Shin de Shin Eun Jung et Julien Sebbag, la galette de la Manufacture du Biscuit Alain Ducasse… J’ai aussi demandé à des copains fans de galette de me présenter une galette qui leur était chère, Mory Sacko m’a fait découvrir celle de la boulangerie La Petite Alsacienne, François-Régis Gaudry celle de Sève à Lyon qui lui rappelle son enfance… Cette année, finalement, j’ai testé peu de galettes “classiques” mais pas mal de revisites !
Comment tu choisis les galettes à tester et à goûter ?
Je choisis en fonction de ce qui me fait envie, tout simplement. Pour le marathon cette année j’avais envie de diversité, de montrer des choses différentes où chacun pouvait y trouver son compte, j’ai essayé de mettre toutes sortes de budget (il y a eu 1 galette de palace avec le Comptoir du Ritz mais aussi des galettes boulangères avec Mory, une galette de “coffee shop” comme celle de Shin) des options pouvant correspondre à différents régimes alimentaires avec des galettes véganes et sans gluten… J’ai aussi voulu représenter pas mal de femmes de la profession et je suis contente car ça s’est fait naturellement tellement il y a de femmes douées (Charlotte de Cookidiction, Shin chez Café Shin, Flora Davies de la Manufacture du Biscuit Alain Ducasse, Nina Métayer, Angèle Ferreux-Maeght…)
Ce marathon, c’est le goût, certes, mais aussi faire passer un message ?
L’idée de mon marathon c’est bien sûr d’essayer de trouver les meilleures mais aussi et surtout de montrer la diversité et la virtuosité de tout ce qu’on peut faire avec la galette comme “prétexte” d’expression pour les pâtissiers, de montrer le processus créatif et de fabrication derrière et grâce à ça, leurs univers, de montrer aussi ce que ça dit de nous, de nos traditions, de nos héritages.
Ainsi, Maxime Frédéric va mettre en avant la noisette qui lui tient à cœur car il a sa propre production, Alain Ducasse voudra une galette la plus désucrée possible car c’est son combat depuis des décennies, Pierre Hermé va vouloir sublimer l’agrume qui est son terrain de prédilection, Mory Sacko préférera la simplicité des galettes boulangères qui lui rappellent celles qu’il partageait avec ses 9 frères et sœurs dans son enfance, ou François-Régis Gaudry va convoquer ses racines lyonnaises avec l’institution Sève.
Est-ce que tu as observé des changements, dans le monde et l’univers des galettes, avec les années qui passent ?
Il y a toujours des tendances chaque année, par exemple, cette année l’arrivée du pandan (cette herbe d’Asie du Sud-Est, jusque là réservée aux desserts asiatiques, dont le goût subtil se trouve entre l’amande et la vanille) dans les galettes des rois, ou le fait qu’on ait dans les palaces des choses assez “simples” en termes de goût et de recettes mais avec en commun des pâtes briochées (Le Lutetia, le Peninsula).
Je trouve que la créativité augmente de plus en plus, on a vu passer une galette en trompe-l’œil ressemblant comme deux gouttes d’eau à une pizza à la Felicità, une galette-cookies chez The French Bastards… La plupart des enseignes vont toujours proposer une galette classique mais aussi une galette avec laquelle ils vont pouvoir exprimer leur créativité et partir un peu loin s’ils le souhaitent, pour s’amuser et se challenger. Les puristes râleront toujours mais qu’est-ce qu’on s’amuse !
C’est-à-dire ?
Ce que j’ai vu au fur et à mesure des années, c’est que la galette s’éloigne de plus en plus de la sphère boulangère, et que de plus en plus d’instances vont proposer leurs galettes : on a l’exemple du chocolatier Jacques Genin qui fait une galette sublime depuis plusieurs années, mais cette année on a vu des coffee shops s’y mettre (Gamine, Café Shin), pas mal de restaurants en ont proposé en dessert pendant la période (comme c’est le cas de tous les établissements Ducasse à Paris par exemple, la Nouvelle Garde qui avait une galette façon Paris-Brest,…
Cette année, j’ai trouvé que les galettes étaient un cran au-dessus. Et surtout qu’il y avait un vrai effort sur les prix. Toi aussi ?
Je trouve aussi que le niveau monte d’année en année, les pâtissiers se challengent de plus en plus, ils deviennent de plus en plus exigeants avec les produits et les clients aussi ! En revanche je trouve que sur les prix, pour une bonne galette de boulangerie on pouvait s’en sortir avec 25-27 euros pour une galette 6p, on a une partie des pâtissiers qui essayent de ne pas dépasser les 35 euros mais on a des prix qui s’envolaient vraiment haut pour de la “haute pâtisserie” et les palaces où on a vu beaucoup de galettes entre 60 et 80 euros.
En fait ce que j’ai vu, c’est qu’on peut payer 25-30 euros une galette dans une boulangerie au coin de la rue qui sera moyenne, mais qu’en cherchant bien on peut trouver une très bonne galette pour quelques euros de plus (vers les 35 euros), par exemple chez Atelier P1, Cyril Lignac, Tranché ou Mamiche… Donc il est devenu crucial de vraiment bien choisir sa galette car le prix n’est pas nécessairement un gage de qualité, car les prix sont vraiment hauts de manière générale.
Comment tu expliques l’engouement qui reste très fort autour des galettes… alors qu’on se lasse des bûches, par exemple ?
Pour moi les bûches sont liées à un moment très très particulier qui est celui du repas de Noël. On ne va pas aller se manger une bûche de Noël un samedi soir random du mois de décembre, et en plus, tout le monde ne fête pas Noël. Les galettes, bien sûr selon la tradition doivent se manger à l’Épiphanie, mais finalement c’est devenu un prétexte pour se retrouver pendant tout le mois de janvier, c’est un peu une façon de prolonger les fêtes, ou de souhaiter la bonne année à ses cercles, de réunir les gens : chaque année il y a la galette entre copains, la galette familiale, la galette du boulot, le dessert qui sera une galette…
Il y a tout le folklore autour de la galette (“tirer les rois”, le plus petit se met sous la table et désigne pour qui sera telle part, la personne qui trouvera la fève, qui doit nommer un roi ou une reine) qui est hyper important également. Comme il y a mille occasions de manger une galette des rois, déjà ça donne une excuse pour en tester plein de différentes… Et maintenant les foodies n’ont plus besoin d’excuse pour manger de la galette, car contrairement à une bûche elles se vendent à la part, et peuvent se manger en solo juste pour le plaisir de tester quelque chose de nouveau. Je pense aussi que la galette a ce quelque chose de tellement simple et démocratique, au fond c’est juste deux pâtes feuilletées et de la frangipane et elle a quelque chose de très accessible, populaire et fédérateur. C’est la célébration du savoir-faire boulanger, à la fois simple et complexe. En fait c’est hyper français cette histoire de galette, je pense que les étrangers hallucineraient en découvrant l’engouement chaque année !
Et sinon ?
Tu ne m’as pas demandé, mais je te mets quand même mes coups de cœur :
- La galette Infiniment Citron de Pierre Hermé et son équilibre parfait qui m’ont conquise et surprise alors que je ne suis pas très emballée par les agrumes d’ordinaire, et l’idée d’en avoir dans une galette n’était pas celle qui m’inspirait le plus
- La galette marrons et caramel miso de Café Shin, avec la pâte feuilletée de Mamiche, énorme coup de cœur et surprise pour la seule galette de coffee shop donc un peu outsider mais c’était original tout en restant dans les marqueurs de galette et très intelligemment équilibré
- La galette de Anthony Nguyen chez Roulés Boulés, j’avais entendu parler de son talent de tourier mais là j’ai été bluffée par le feuilletage qui s’approchait de la perfection selon moi. En classique, très belle surprise pour la galette.
- Et chaque année (je ne l’ai pas goûtée cette année), mais la galette parfaite, c’est le bijou de Jacques et Jade Genin.