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Derrière le malaise, The Idol fait briller la coolissime Rachel Sennott

Derrière le malaise, The Idol fait briller la coolissime Rachel Sennott

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(© Eddy Chen/HBO)

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Par Manon Marcillat

Publié le

Son personnage pourrait s’avérer être le plus intéressant de la série si Sam Levinson choisit de reprendre ses esprits.

Présentés lundi soir hors compétition au festival de Cannes, les deux premiers épisodes de la nouvelle série du showrunner star de HBO déchaînent les passions et mettent à plat Rotten Tomatoes. Deux jours après sa diffusion, The Idol écope d’une moyenne de 9 % sur l’agrégateur de critiques et à raison.

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Sam Levinson et Abel Tesfaye, plus connu sous le nom de The Weeknd, avaient de l’or dans les mains si seulement ils avaient traité avec un semblant de subtilité le sujet de la santé mentale chez les pop stars soumises au star-system. Mais les deux cocréateurs ont préféré réduire la série à un soft porn malaisant et kitsch, ambiance Fifty Shades of Grey, malgré une performance notoire de Lily-Rose Depp.

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Autour de la star gravite également un casting réjouissant dans les rôles des managers et autres directeurs créatifs, avec au centre Rachel Sennott dans le rôle ambivalent de Leila, la meilleure amie et assistante de Jocelyn (Depp), rémunérée pour habiter avec elle, la réveiller tous les matins avec un café, la suivre en boîte de nuit et surveiller les visites masculines qu’elle reçoit le soir. Cette position interroge une journaliste de Vanity Fair venue rédiger un portrait de la jeune célébrité et pourrait s’avérer être celle du personnage le plus intéressant de la série, si Sam Levinson l’exploite correctement dans les quatre épisodes restants.

Même si The Idol est un gros raté faussement provocateur, la série n’en reste pas moins une exposition bienvenue pour l’actrice et humoriste qui semble trouver une voix à part, cool, piquante et décalée, dans le paysage hollywoodien. Portrait.

Pousser les curseurs de la Gen Z

Cette voix, elle l’a chauffée quand elle était encore à la fac, à la Tisch School of the Arts de l’Université de New York. Sur Twitter, Instagram et YouTube, elle observait avec mordant les névroses de sa génération — amour, dating, stages ou argent — commençant déjà à esquisser les contours de son futur personnage, un savant mélange de cringe et d’un impeccable timing comique, qu’elle affinera dans des open mic. Certaines de ses vidéos deviendront virales, comme “Trailer for any movie set in L.A” qui cumulera près de 10 millions de vues.

Pour prouver son talent d’actrice, Sennott accepte frénétiquement tous les courts-métrages étudiants, dont celui d’une certaine Emma Seligman, Shiva Baby. Deux ans plus tard, en 2020, la réalisatrice devenue amie proche transformera son projet en long-métrage du même nom et offrira ainsi à Rachel Sennott son premier rôle principal au cinéma et sa première exposition médiatique.

Dans Shiva Baby, Emma Seligman enfermait son héroïne dans un huis clos claustrophobique le temps d’une réunion de famille juive très inquiète pour son avenir amoureux et professionnel ou ses soi-disant troubles alimentaires, la confrontant à la pression sociale et familiale sans lui laisser le moindre répit. Si le film souffrait de son dispositif taillé pour le court-métrage perdant en efficacité sur la durée, Rachel Sennott s’y révélait extrêmement convaincante en jeune femme à peine adulte au bord de la crise de nerfs, portant sur ses épaules le poids de toutes les angoisses générationnelles, à mi-chemin entre la suffisance de Lena Dunham dans Girls et l’énergie anxieuse de Bel Powley.

Les deux jeunes femmes ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Elles ont coécrit Bottoms, une comédie façon Fight Club lesbien dans laquelle Sennott incarne une lycéenne queer et peu populaire qui lance un fight club dans l’espoir de séduire les cheerleaders, sorte d’antithèse féminine à American Pie et SuperGrave, présentée en avant-première au festival South by Southwest en mars dernier.

L’actrice y partage l’affiche avec une autre camarade de promotion, Ayo Edebiri, révélation de la série événement The Bear où elle excellait en commis de cuisine admirative et autoritaire, rencontrée lors d’un open mic. L’une riait fort, l’autre pas et elles se sont immédiatement trouvées. Ensemble, elles développeront la websérie Ayo and Rachel Are Single pour Comedy Central, prétexte pour théoriser entre amies sur les dernières tendances dating absurdes.

Cette année au Festival, a également été projeté I Used to Be Funny où l’actrice convoquait une vulnérabilité qu’on ne lui connaissait pas encore. L’actrice incarne cette fois-ci une standuppeuse et jeune fille au pair souffrant d’un stress post-traumatique lui ayant fait perdre son sens de l’humour et navigue ainsi entre la joie et la douleur jusqu’à la guérison, ouvrant une conversation authentique sur un sujet plus vaste que ceux qu’elle explorait jusqu’ici avec talent.

SXSW est indubitablement le terrain de jeu de Rachel Sennott puisque l’an passé, elle y présentait déjà la comédie horrifique Bodies, bodies, bodies, tournée notamment aux côtés de Pete Davidson avec qui elle deviendra amie, ce qui n’a rien d’étonnant, les deux humoristes partageant un certain flegme commun. Dans ce whodunit chorale façon teen movie qui pousse les curseurs de la parodie de la Gen Z au maximum, Rachel Sennott s’illustre en nouvelle scream queen dans un rôle qu’elle a décroché après avoir inquiété tout son voisinage lors d’auditions sur zoom. 

C’est au lendemain du dernier jour de tournage de Bottoms que Rachel Sennott a rejoint Los Angeles pour tourner The Idol. Elle n’a pas réagi en interview au sujet de l’enquête de Rolling Stone qui dénonçait une production quasi cauchemardesque, une surexploitation de technicien·ne·s et une sexualisation abusive, mais on espère que derrière les polémiques, la série propulsera encore plus loin sa carrière déjà prometteuse.

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