Mr. & Mrs. Smith, ou la ludique et surprenante anatomie d’un couple sur fond d’espionnage

Mr. & Mrs. Smith, ou la ludique et surprenante anatomie d’un couple sur fond d’espionnage

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Par Adrien Delage

Publié le

Le remake en série de la comédie d’action culte avec Brad Pitt et Angelina Jolie est, étonnamment, une vraie bonne surprise.

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Mr. & Mrs. Smith, c’est quoi ?

Annoncée en 2021, la série Mr. & Mrs. Smith est une adaptation libre du film homonyme de Doug Liman, comédie d’action un peu culte sortie au milieu des années 2000. Le long-métrage fut surtout apprécié pour son duo principal ultra-charismatique et au paroxysme du glamour pour l’époque, formé par Brad Pitt et Angelina Jolie. C’est un tournage où est d’ailleurs née leur romance IRL même si elle n’a été que temporaire. Pour moderniser et sérialiser le propos du film, les deux showrunners Donald Glover, aka Childish Gambino, et Francesca Sloane (Fargo, Atlanta) ont misé sur un couple racisé et un scénario qui raconte plus en détail les origines du faux mariage entre les deux espions.

Car oui, si vous l’ignorez, Mr. & Mrs. Smith conte l’histoire d’amour complexe entre deux agents qui travaillent pour une mystérieuse organisation, appelée la Compagnie. Contrairement au film, l’intrigue de la série ne les met pas en compétition via deux agences d’espionnage rivales. Toutefois, John et Jane Smith ignorent qu’au bout de trois missions ratées, ils seront exécutés et remplacés par un autre couple sur-le-champ. Entre les épreuves d’écoute, de kidnapping voire d’assassinat, les deux inconnus tentent de s’apprivoiser et travailler ensemble jusqu’à tomber amoureux, quitte à mettre en péril leurs carrières et leurs intérêts personnels.

Pourquoi c’est vraiment pas mal ?

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Le scénario de Doug Liman était, grossièrement, divisé en trois parties : la présentation du ménage, l’affrontement entre les deux époux puis leur vengeance contre leur employeur respectif. Avec leur série, Donald Glover et Francesca Sloane ont davantage le temps de développer la relation des Smith, mais aussi les origines de leur faux mariage et de leur mission à long terme. Aussi, chaque épisode s’articule autour d’une thématique, ou même d’une étape de la vie à deux introduites par son titre : les premiers dates, le sexe, la tendresse, l’insouciance, la question des enfants, puis la thérapie, l’infidélité jusqu’à la rupture. Ainsi, la série Mr. & Mrs. Smith s’impose rapidement (et à notre grande surprise) comme une introspection du couple à l’ère contemporaine traitée de façon juste et pertinente.

La finesse d’écriture de Donald Glover, qui a rameuté une grande partie de ses collaborateurs issus d’Atlanta (le réalisateur Hiro Murai, son frère Stephen Glover à la production et même sa coshowrunneuse, Francesca Sloane, scénariste de sa dramédie), fait mouche. Ensemble, ils créent une atmosphère intimiste et parsemée d’humour pour donner vie à l’histoire d’amour mouvementée entre John et Jane.

On retrouve aussi dans la série la patte lyrique, presque contemplative d’Atlanta, qui faisait de la (géniale) dramédie une œuvre à part, sorte de fable tragicomique capable de vous prendre au dépourvu et de capturer des moments de vie volés et éphémères. Même si en fin de compte, le point angulaire de la série repose sur ses deux interprètes principaux, Glover et Maya Erskine (Obi-Wan Kenobi), tout simplement épatants. Pour l’anecdote, dans la première version du script, Jane était incarnée par Phoebe Waller-Bridge (Fleabag, Run), qui a finalement quitté le navire en préproduction.

Il n’y a oas de regret à avoir quand on voit la moue attachante et naturelle de Maya Erskine dans la peau de Jane. L’actrice est tout bonnement géniale et forme une alchimie aussi sensuelle que tordante avec Donald Glover. On croit à la force de leur relation dès le premier épisode, soulignée et accompagnée par la mise en scène souvent serrée et “enveloppante” de Hiro Murai, comme une couverture rassurante. Sémantiquement d’ailleurs, la série joue sur la symbolique du yin et du yang, jusqu’à la faire surgir visuellement dans une sublime scène du season finale, où le couple se livre à cœur ouvert sur les aléas de leur relation.

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Pour être tout à fait honnête, on a débuté le visionnage de Mr. & Mrs. Smith avec quelques a priori négatifs, avant de basculer et finir les yeux mouillés au bout du huitième et dernier épisode de la saison. Ponctuée d’humour plutôt bien senti (voire volontairement cringe, dont la séquence surréaliste des imitations de chiens dans l’épisode 2, la même recette jouissive qu’Atlanta) mais aussi de moments touchants, la série et surtout son tandem d’acteurs en parfaite osmose font étrangement fonctionner la magie de ce couple improvisé. On croirait à une sorte de rencontre improbable mais fusionnelle entre The Americans et Scènes de la vie conjugale, subjuguée par le talent de Glover et Erskine.

Si la série carbure sur son étude introspective du couple, elle est plus décevante sur la partie espionnage, parfois à la limite du risible. Mr. & Mrs. Smith assume son côté procédural assez prenant (un épisode, une mission), mais l’écriture des deux espions et de leurs épreuves n’est pas très crédible. Techniquement, les scènes d’action sont plutôt pauvres, régulièrement tournées en ridicule et se résument surtout à des scènes de course-poursuite banales — hormis le final, plus spectaculaire, en référence directe au film original. De façon plus globale, si on adhère totalement au couple sexy formé par Glover et Erskine, on est beaucoup plus sceptique sur leur crédibilité d’incarner des espions professionnels à haut risque.

Enfin, il y a un dernier élément qui va rendre la série clivante auprès du public : les guests stars, ô combien prestigieuses. À chaque épisode, Donald Glover ramène ses potes (très doués) du cinéma et des séries pour jouer une courte partition. C’est littéralement un tapis rouge d’acteurs et d’actrices cinq étoiles qui se succèdent au fil de la saison : Paul Dano, Michaela Coel, Wagner Moura, Ron Perlman, Sarah Paulson, Alexander Skarsgård, John Turturro… Ils sont toutes et tous franchement parfait·e·s dans des rôles clairement concoctés sur-mesures, pour un rendu jouissif à l’écran. Mais la gratuité de leur apparition, parfois juste pour une petite vanne, pourra sans douter agacer une partie des spectateurs et spectatrices.

On retient quoi ?

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  • Les acteurs qui tirent leur épingle du jeu : l’alchimie exceptionnelle, aussi sensuelle qu’émouvante entre Donald Glover et Maya Erskine.
  • La principale qualité : le charisme du duo principal et la performance des invité·e·s prestigieux·euses qui défilent à chaque épisode.
  • Le principal défaut : 2/3 épisodes qui tirent en longueur et finalement anecdotiques, les intrigues d’espionnage vraiment sous-exploitées et faiblardes en termes de prod.
  • À voir si vous avez aimé : Mr. et Mrs. Smith de Doug Liman, Atlanta de Donald Glover, Scènes de la vie conjugale d’Hagai Levi, The Americans de Joe Weisberg.
  • Ça aurait pu s’appeler : “Bons Baisers d’Atlanta”
  • La quote pour résumer la série : “On retrouve aussi dans la série la patte lyrique, presque contemplative d’Atlanta, qui faisait de la (géniale) dramédie une œuvre à part, sorte de fable tragicomique capable de vous prendre au dépourvu et de capturer des moments de vie volés et éphémères.”

La saison 1 de Mr. & Mrs. Smith est disponible en intégralité sur Prime Video.