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Trilogie Before : souvenir d’un voyage en agréable compagnie

Trilogie Before : souvenir d’un voyage en agréable compagnie

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Par Manon Marcillat

Publié le

Plongée dans les coulisses d'un classique de la comédie romantique indépendante.

Hier, le 21 décembre, Julie Delpy fêtait ses 52 ans. Pour célébrer cet anniversaire, nous avons choisi de revenir sur le rôle le plus important de sa carrière, celui de Céline, l’amoureuse vagabonde de la trilogie Before de Richard Linklater, et de nous replonger avec joie dans les coulisses d’un classique de la comédie romantique indépendante devenu aussi précieux qu’intemporel.

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Une histoire vraie

Ce concept de trilogie en temps réel, où chaque nouveau volet signe, à l’orée d’une nouvelle décennie, les retrouvailles de nos deux amants qui se sont rencontrés à bord d’un train en direction de Vienne, était aussi inédit qu’astucieux. Pourtant, Before Sunrise n’a pas été pensé comme le premier tableau d’un triptyque.

En 1995, Richard Linklater n’avait pas en tête l’idée de réaliser une trilogie romantique mais plutôt un film unique sur une rencontre amoureuse éphémère qui resterait en suspens, laissant libre cours à l’optimisme – ou non – du spectateur pour imaginer de potentielles retrouvailles entre la Française Céline et l’Américain Jesse à l’issue de cette nuit viennoise.

Une comédie romantique réussie qui décidait de faire la part belle à la parole, sans nécessairement la transformer en actes, mais qui serait certainement restée anecdotique si ne s’en était pas suivie une exploration temporelle de l’amour entre un couple que l’on a vu vieillir à l’écran, séparément puis ensemble.

Il y a 25 ans, Linklater se mis en quête d’un duo pour incarner à l’écran son histoire, celle de sa rencontre, courte mais intense, avec une jeune femme dans un magasin de jouets de Philadelphie en 1989. Il cherchait un couple de fiction à l’alchimie bien réelle mais également deux têtes bien faites pour collaborer avec lui au scénario du film.

Si le premier tableau de cette trilogie est l’histoire d’un coup de foudre amoureux, il a également été le théâtre d’un coup de foudre artistique entre un acteur et son réalisateur, qui n’avait pourtant rien d’une évidence. Hawke, repéré par Linklater dans une pièce de théâtre à Austin, leur ville natale à tous les deux, a d’abord dû auditionner et se confronter à 10 000 autres candidats avant d’obtenir le rôle de Jesse.

Pour le rôle de Céline, Linklater a préféré à Gwyneth Paltrow et Jennifer Aniston la frenchie Julie Delpy, newbie aux États-Unis, séduit par son côté globe-trotter et son accent français. Linklater avait décidé de porter une attention toute particulière à ce personnage féminin qu’il souhaitait panaché, lui qui avait principalement été un cinéaste au masculin, privilégiant le point de vue des hommes dans les précédents Slacker et Dazed and Confused.

Avec Boyhood, Richard Linklater a filmé le temps qui passe comme personne

Pour composer cette partition féminine avec la finesse nécessaire à la réussite du film, il fit appel à Kim Krizan, qui avait fait de rapides apparitions dans ses précédents longs-métrages, pour l’aider à coécrire le film. Une ambition de parité qui ne se concrétisera cependant pas derrière la caméra, puisque Julie Delpy révélera avoir été payée dix fois moins qu’Hawke pour ce film. Ce sera seulement pour Before Midnight que les deux acteurs seront enfin payés à égalité.

Une histoire collaborative

Quelques jours avant le début du tournage de Before Sunrise, Richard Linklater apprendra que son amour d’un soir, dont était inspiré le scénario, était en réalité décédée dans un accident de la route des années auparavant. Cette nouvelle n’empêchera pas l’insouciant quatuor de s’embarquer dans cette aventure viennoise.

Le premier volet de cette œuvre fleuve a été tourné au jour le jour et dans l’ordre chronologique, chaque week-end étant consacré à travailler le script de la semaine suivante. Au final, vingt-cinq jours, 2,5 millions de budget et de nombreux allers-retours entre Vienne et Salzbourg suffiront à mettre le film en boîte.

L’authenticité est la recette gagnante de cette trilogie, obtenue grâce à un soupçon d’improvisation mais surtout à une bonne dose de préparation et de précision. La spontanéité des dialogues qui résonneront dans les ruelles de Vienne, de Paris et en Grèce a été minutieusement écrite et les acteurs ont vécu l’enfer pour parvenir à les retenir, confiera Julie Delpy dans une passionnante conversation publiée par le New York Times.

Il nous faut également souligner que ces lignes de dialogues sur la vie, la mort et l’amour, tantôt profondes, souvent innocentes, ont été écrites par Delpy et Hawke dans la fleur de leur vingtaine. C’est en cela que Before Sunrise est également une œuvre de jeunesse, sur les idéaux et les questionnements inhérents à cette période si particulière.

Certains moments de grâce sont quant à eux des instants volés, comme la scène dans la cabine d’écoute où les deux acteurs, comme leur personnage, découvrent le morceau “Come Here” de Kath Bloom. Linklater a simplement filmé leur réaction spontanée. “Je suis presque tombée amoureuse d’Ethan puis Rick a dit ‘coupez'”, se souviendra Julie Delpy. “Je pense que c’est ma prise préférée de tous les films que j’ai pu tourner”, confiera Ethan Hawke.

Une histoire to be continued ?

Si on peut reprocher un manque de vision artistique dans la mise en scène de ces déambulations viennoises, parisiennes puis grecques, elles sont surtout un prétexte pour laisser tout l’espace nécessaire aux digressions de Céline et Jesse. Cette succession de cartes postales n’en est d’ailleurs pas une et renverse habillement les rapports de force au fil des films.

Ainsi, on faisait la connaissance d’un Jesse entreprenant, réaliste et désabusé et d’une Céline idéaliste, engagée et romantique. Lui voulait du concret, un contact pour la recontacter, elle préférait s’en remettre au hasard. Tous deux se promettaient de se retrouver dans six mois jour pour jour dans cette même gare de Vienne.

On les retrouvait neuf ans plus tard, Jesse, désormais marié, s’était rendu à leur rendez-vous viennois manqué et le cœur brisé, avait décidé d’écrire un best-seller sur cette histoire d’amour avortée. Elle, a fait de son engagement son métier et une succession d’histoires sans véritable amour l’a, à son tour, désenchantée. Mais on est désormais à Paris, dans sa ville, et Céline prend les choses en main. Elle parle, il l’écoute.

Neuf ans auparavant, Linklater nous laissait avec l’hypothèse d’un potentiel rapport sexuel, Céline ne voulant pas coucher avec Jesse pour ne pas risquer de devenir une “bonne histoire de Française facile à raconter à ses copains”. Neuf ans plus tard, le sexe est un sujet discuté de manière frontale et souvent amené par Céline.

Dans Before Sunrise, ils déambulaient dans un Vienne dénué de tout romantisme, à peine même esthétique. Dans Before Sunset, bien que l’on n’échappe pas au cliché des retrouvailles parmi les rayonnages de la célèbre librairie Shakespear & Company (inspirées des retrouvailles bien réelles entre le réalisateur et son acteur désormais fétiche lors d’une séance de dédicaces de ce dernier), la ville lumière est un personnage plus que secondaire.

Les plans se font plus serrés et captent des visages qui ont vieilli. Mais tant dans le premier opus que dans le second volet, chaque rue et chaque ruelle sont comme un instant volé de plus passé en leur délicieuse compagnie.

C’est tout autre chose qui se joue dans le troisième opus. Si la conclusion de Before Sunset ne nous révèle rien, les deux amants ont enfin scellé leur idylle et lorsqu’on les retrouve, neuf ans plus tard, comme le veut désormais la coutume, ils sont parents de jumelles en vacances en Grèce. Les petites de choses de la vie et les tracas du quotidien ont remplacé les grands discours et l’heure est (déjà) au bilan.

On a désormais beaucoup moins envie que les dédales de ruelles s’éternisent, plutôt tenté·e·s de les semer dans les méandres de cette magnifique île grecque pour ne rien gâcher de l’optimisme des dix-huit dernières années. Un troisième opus beaucoup plus difficile à écrire et à réaliser, confesseront les acteurs et leur réalisateur. Et pour cause. “Qui voudrait voir un sequel de Titanic avec Rose et Jack qui se disputent ?”, s’interrogera Ethan Hawke.

Pourtant, cette conclusion en clair-obscur était annoncée puisque Céline et Jesse se rencontraient entre les cris d’un couple de quarantenaires allemands dans ce train pour Vienne. La boucle est donc bouclée. Mais l’équipe ne ferme pas la porte à un quatrième et ultime volet, qu’elle aime à imaginer comme une sorte de remake d’Amour de Michael Haneke, version comédie.

Les trois films de la trilogie sont disponibles sur filmo.tv.